La Libération de Rânes (Orne) en Août 1944  

La fin de la campagne de France
à Rânes et dans les environs

    
 www.ranes1944.org 

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, la campagne de France [ou bataille de France] désigne l'invasion allemande des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France en 1940. L'offensive commence le 10 mai 1940 en mettant fin à la « drôle de guerre », et se termine le 22 juin par la défaite des forces armées françaises et la signature de l'armistice du 22 juin 1940 par le gouvernement Pétain.
Le territoire des quatre pays est alors occupé selon différentes modalités, principalement : une zone occupée par l'Allemagne au Nord et à l'Ouest, une zone occupée par l'Italie dans le Sud-Est et une zone libre sous l'autorité du gouvernement de Vichy .../...
Au cours de la campagne de France (mai-juin 1940), 1 800 000 soldats de l'armée française sont capturés par les troupes allemandes avant d'être internés dans différents types de camps. Un grand nombre de prisonniers tentent de s'évader, 70 000 réussissant sur l'ensemble de la période, sans compter ceux évadés dés les premiers mois avant leur transfert vers l'Allemagne.

D'après l'encyclopédie Wikipedia, article bataille de France

La Mobilisation à Rânes

Nous ne pouvons définir combien de Rânais sont partis sur le front. En effet, les archives ont brûlé avec la Mairie à la Libération. De ce fait, aucun document officiel local ne peut être retrouvé. Toutefois, nous pouvons estimer ce chiffre à 70 voire 100 personnes.
La France et l'Angleterre ont déclaré la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939 juste après que celle-ci ait envahi la Pologne. Cette déclaration, les Français l'attendaient et avaient déjà mobilisé depuis le 26 août, se rappelle Mme Bisson. Elle se souvient aussi que les soldats n'avaient pas peur de partir. En effet, ils avaient déjà vécu en 1938 les "périodes" : c'étaient des mobilisations d'où ils revenaient au bout de 4 à 5 jours. Ainsi, ils pensaient revenir quelques jours après. Mais cette fois-ci, c'était la bonne. Toutefois, le moral n'était pas mauvais durant les premiers mois de mobilisation bien que la tension montât dans les rangs. En effet, les soldats ne se sont pas battus pendant les 6 premiers mois.
Les soldats n'ont donc commencé à se battre que vers février-mars 1940. Mais après une attaque foudroyante par la Belgique, une partie des troupes françaises, dont M. Ferrand et M. Bisson firent partie, est encerclée dans le nord de la France. Ces soldats embarquent pour la Grande-Bretagne d'où ils ont tout de suite été réembarqués pour le sud de la France. Mme Bisson raconte que son mari a vécu un moment dans le Gers, puis est revenu à Rânes après les moissons en septembre 1940. Il est donc resté à Rânes durant toute la guerre car il n'a pas été fait prisonnier en revenant au pays. Par contre, la majorité des Rânais mobilisés furent pris dans les filets allemands et sont faits prisonniers. Parmi ceux-ci, il y aura M. Charles Sérée et M. Violet qui revinrent ensuite grâce à la "relève". Mais tous les autres ne rentreront au pays qu'en 1945 voire 1946-1947 après leur libération en Allemagne.

Extrait de : Claire Forget, La vie quotidienne durant la deuxième guerre mondiale dans le village de Rânes, 1939-1945. Mémoire de DEUG (Histoire), Université de Caen, 1995. p. 2.


La défense passive et la garde territoriale

La Normandie craignait une invasion aérienne, aussi de nombreuses mesures furent prises pour protéger l'habitant: liste des caves capables d'abriter des personnes en détresse, réglementation de l'éclairage, toutes les voitures devaient se munir de phares bleus. Cependant Rânes fut moins sujette à ces préoccupations. D'une part très peu de Rânais possédaient une voiture ; seuls quelques commerçants comme André Duval, un des boulangers de la commune. De plus comme ces mesures ont été poursuivies durant les années de guerre, cela n'a pas marqué les esprits. D'autre part, Rânes est une commune rurale et de faible importance : elle passe plus facilement outre aux réglementations.
Pour ce qui est de la défense territoriale, "avant que les Allemands arrivent le maire avait mobilisé les personnes valides pour construire des barrages." C'est la seule allusion qui me fut rapportée des mesures prises par la localité de Rânes pour faire face à un éventuel assaut Allemand. La personne qui m'a relaté cette anecdote ajoute qu'elle n'y est restée qu'une matinée. Tout ceci démontre qu'on ne s'attendait pas à ce que les troupes ennemies passent dans le département.
Cette garde territoriale semblait être une perte de temps. Pour beaucoup, les valides étaient plus utiles aux travaux des champs. C'est la raison pour laquelle les Rânais ne furent pas marqués par ces mesures de protection et de défense. Après les premiers assauts des Allemands (mai et juin 1940), les Rânais furent plus préoccupés par le flux humain qui passa dans le bourg.

Extrait de : Jean-Philippe Bignon, Rânes pendant la seconde guerre mondiale
Mémoire (Histoire), Université de Caen, 1994. p. 6

Des Rânais craintifs

Dès la déclaration de guerre, certains Rânais ont déjà mis en place une réserve. La mère de Suzanne Duval, à la suite de la mobilisation, commence déjà à amasser dans sa cave des produits de première nécessité - boites de conserves en tout genre - et autres. C'est la peur de la pénurie à l'image de celle de 1914-1918, qui réapparaît.
A cela s'ajoute un climat de crainte. On a peur de ces tyrans, de ces violeurs Allemands dont les rumeurs des réfugiés faisaient état. Durant les deux premières semaines de juin, certains Rânais pensent quitter la commune. André Duval a déjà rempli de conserves le coffre de sa voiture lorsqu'il apprend, à la T.S.F., que les Allemands sont tout proches ; il sera sûrement rattrapé quel que soit l'endroit où il aille. Ne sachant où aller et craignant les pillages de son magasin et de ses biens la famille Duval reste à Rânes.
De nombreux bruits courraient la campagne, cependant peu de Rânais quittèrent la commune, et si même l'avancée allemande était connue par certains, tous furent surpris par le passage des troupes ennemies le 17 juin 1940 dans le bourg de Rânes.

Extrait de : Jean-Philippe Bignon, Rânes pendant la seconde guerre mondiale
Mémoire (Histoire), Université de Caen, 1994. p. 7

L'avion tombé près de Lignières-Orgères en juin 1940

« Le 11 juin 1940 un avion anglais, un bimoteur, est abattu par la DCA allemande. Il a été vu en feu au dessus de Rânes avant de venir s'écraser à quelques centaines de mètres du bourg d'Orgères. Les cinq occupants sont tués et carbonisés. Ils étaient âgés de 18 à 28 ans. Les corps des aviateurs sont restés sans sépulture jusqu'en août où il furent inhumés au cimetière de Lignières. »
Source : récit de Marcel Langris sur le site de Lignières-Orgères, v. également ici

« Mardi 11 juin, la nuit est tombée. Soudain, on entend un bruit de moteur d'avion. On sort de la maison et l'on aperçoit un appareil qui paraît en difficulté : il vient approximativement de la direction de Ciral ; des lueurs sortent et l'on distingue des crépitements. Il semble perdre de l'altitude puis disparaît, une grosse explosion se produit puis plus aucun bruit. L'avion est-il allemand ? A-t-il lancé des bombes à retardement (il en était beaucoup question) ? C'était aussi une époque où l'on était peu familiarisé avec les avions... On le sera plus tard !
La nuit passe. Le mercredi matin, on apprend qu'un avion est tombé à La Boulardière [à proximité du bourg d'Orgères], qu'il est anglais et qu'il en reste peu de choses. Il gît au milieu de la route, juste avant l'embranchement vers ce village ; les membres de l'équipage sont carbonisés. Il se dégage une drôle d'odeur de cette épave en grande partie brûlée ; un parachute en triste état est accroché à une "rousse" située dans la haie à proximité de l'épave, et une aile a été projetée par l'explosion près de La Brousse.
Cet avion fut gardé pendant quelques jours par des soldats français puis abandonné à son triste sort pour cause de retrait.
Les Allemands occupant Lignières assurèrent la sépulture des restes des cinq aviateurs en les enterrant au cimetière à l'emplacement où ils sont actuellement. Les croix, en bois, portaient l'inscription suivante :
Hier Ruhen 5 Engliche flieger (Ici reposent 5 aviateurs anglais).
Nous ne disposons pas de clichés. Quant à l'épave, des Allemands l'ont évacuée. »
Source : André Robert et Christian Ferault, bulletin municipal de Lignières-Orgères

La présence d'une DCA allemande dans le secteur Rânes-Carrouges-Lignières dès le 11 juin 1940 pose problème. En effet, selon les récits d'André Soubiran et du capitaine de Roys (voir ci-dessous), les Allemands ne seront présents dans la région que quelques jours plus tard. Ils sont entrés en Mayenne ainsi qu'à Rânes le 17 juin.

Nous avons retrouvé les éléments suivants :

« Pour marquer l'entrée des Italiens dans la guerre, 36 bombardiers Whitley V des escadrons
n° 10, 51, 58, 77 et 102 ont été chargés de bombarder Gênes et Turin pendant la nuit du 11 au 12 juin 1940. Seuls 13 avions ont effectivement atteint leurs objectifs en raison d'une combinaison de conditions météorologiques défavorables et d'incidents de moteurs.

Type: Whitley Mk.V
N ° de série: N1362, KN-?
Opération: Turin
Disparu le 11.06.1940
  • Sergent (Pilot) Norman M. Songest, RAF 580330, 77 Sqdn., âge inconnu, 11.06.1940, cimetière communal de Lignières-Orgères, F
  • Sergent (Pilot) Philip HJ Budden, RAFVR 742113, 77 Sqdn., 26 ans, 11.06.1940, cimetière communal de Lignières-Orgères, F
  • Sergent (Obs.) Alexander Findlay, RAFVR 749540, 77 Sqdn., 28 ans, 11.06.1940, cimetière communal de Lignières-Orgères, F
  • Sergent (W.Op. / Air GNR.) Ronald C. Astbury, RAF 630781, 77 Sqdn., 20 ans, 11.06.1940, cimetière communal de Lignières-Orgères, F
  • Sergent (W. Op. [Air]) Edward Ombler, RAF 633791, 77 Sqdn., 18 ans, 11.06.1940, cimetière communal de Lignières-Orgères, F
Parti de l'aéroport de Jersey. Au retour, l'avion s'est écrasé à 22 h 30, en flammes, près de Lignières-Orgères (Mayenne) à 10 km au nord de Pré-en-Pail, France.
La cause de la perte n'est pas établie. »

Source : Traces of World War 2 - Royal Air Force, Battle of France 1940 and start of the Strategic Air Offensive against German

Il est donc très vraisemblable que l'avion s'est écrasé à cause d'une avarie et non à la suite d'un tir de DCA allemande. Et il est peu probable qu'il ait été vu de Rânes bien que plusieurs Rânais soient venus voir l'épave.

Normandie – 17 Juin 1940

André Soubiran, J'étais médecin avec les chars, journal de guerre

[Le lieutenant Soubiran était affecté comme médecin auxiliaire au 3ème Régiment  d’Auto-Mitrailleuses (3ème RAM). Le livre est un journal de guerre, commencé en 1941 et terminé en juin 1942, décrivant la Campagne du Régiment du 9 mai au 18 Juin 1940. Des difficultés de papier en empêchèrent la publication jusqu’en avril 1943. La Préface de Georges Duhamel et la dédicace au Chef d’escadron Jacques Weygand, le fils du Général Weygand, le firent interdire en zone occupée par la censure allemande jusqu’à l’attribution, en 1944, du prix Théophraste Renaudot.]

[ …] A quinze heures, la brigade tout entière revenait en position vers l’est pour barrer la route à la progression allemande.
Le P.C. du régiment s’établit au nord-est de La Ferté Macé, à Saint-Georges-d’Annebecq, en point d’appui avec deux batteries de 75.
Les escadrons Weygand et Rouzée prirent position à Rânes, un peu plus en avant, avec une section de 75 et le peloton de chars de Maugey [note 1].
Un bataillon de dragons portés s’installa vers le nord et le peloton Madelin tint l’axe La Ferté Macé-Carrouges au sud.
Vers cette ligne d’îlots de résistance on voyait de toute parts progresser les blindées allemandes avec des fanions blancs. Entre leurs lignes d’acier tournoyaient des détachements français errants, déjà vaincus, des réfugiés, fous de terreur, en multitude vagabonde, qui semblaient ne savoir où aller, et la foule des prisonniers désarmés et renvoyés, sans leurs officiers, par l’adversaire. Une confusion extrême régna ainsi, en dépit de laquelle des combats acharnés eurent lieu jusqu’au soir, entre les villages en feu et les chemins jonchés de cadavres.
Vers le sud brûlait Carrouges, où se battaient les dragons portés du capitaine de Royère soutenus par les chars de Madeline.
Entre Carrouges et Rânes, le lieutenant Dattez avec ses dragons prenait à partie un détachement porté allemand et l’anéantissait.
Devant Rânes, quelques dragons blessés au cours de furieux combats à pied entre Vieux-Pont et Saint-Brice, rendaient compte au capitaine Weygand de la présence sur le lieu du combat d’une importante colonne d’infanterie portée allemande qui semblait se préparer à avancer.
Maugey reçut l’ordre de s’y porter avec ses trois chars et de harceler cette colonne en agissant sur son flanc, quand elle passerait à bonne distance.
Il s’approcha de la colonne, la repéra et, au lieu de se maintenir à bonne portée et d’agir de loin par le feu de ses canons, avec prudence, il la remonta pour la surprendre par derrière.
Alors il se rua sur les camions à demi-blindés bondés d’uniformes verts et d’où venaient des chants. Presque à bout portant il envoya son premier coup sur le camion le plus proche. Touché en plein, tout sauta, dans une explosion de métal et de chair qui s’éparpilla en bouquet au milieu de hurlements.
Avant que les autres aient eu le temps de riposter ou de fuir, il remonta la colonne, deux chars d’un côté, un de l’autre, il la coupa, la bouscula en tout sens, abattant à la mitrailleuse ceux qui essayaient de s’échapper, crevant les réservoirs, et, pour finir, il l’incendia à coups de canon.
Lorsqu’il eut épuisé ses munitions, la longue file des quarante camions n’était plus qu’une chenille de flammes où grillaient des cadavres, la route était obstruée pour longtemps et le bataillon à jamais hors de combat.
Maugey n’avait même pas gardé un obus, un chargeur, pour protéger son retour. Et, dès qu’il eut refait sa provision de munitions, il repartit pour un nouvel accrochage.
Cet après-midi, il fut encore l’héroïque chef de peloton à figure d’enfant, défiant la mort, ne demandant qu’à se battre, ignorant la fatigue et la peur, allant partout à plein cœur, plein élan, pleine chance, symbole de la richesse de ces jours où la fleur d’une jeunesse commanda héroïquement avant d’avoir commencé à vivre [note 2].
Cet après-midi du 17 juin, une fureur sacrée anima le régiment. A aucun moment la violence de la bataille ne s’épuisa, elle se maintint jusqu’à la fin, rapide, farouche, désespérée.
Cet après-midi il n’y eut plus de printemps, plus de haies vertes, plus de ciel bleu, plus de murs étoilés de roses. Il n’y eut plus qu’un régiment jeté en avant, déchaîné, hors d’haleine, éperdu et fou, qui voulait combattre et combattre encore.
Il n’y eut plus que la bataille à un contre dix, l’incendie et la mort à rendre au centuple pour la France qui se mourait, assassinée !
Pendant cinq heures les auto-mitrailleurs, les dragons portés avaient interdit toute avance sur le secteur qui leur avait été confié.
Vers vingt heures arriva l’ordre de repli vers le sud-ouest.
Sur Rânes, l’ennemi tellement stoppé ne réagit guère et le décrochage fut facile.
Mais au nord-ouest, le bataillon Henriet avait lutté farouchement sur ses points d’appuis. L’infanterie allemande s’était collée à lui, s’infiltrant de tous côtés, résistant à chaque tentative de dégagement, et le tenant sans cesse dans un réseau dense de feu. Les dragons avaient eu de lourdes pertes et c’est d’eux que nous vint le dernier blessé de cette journée. Leur décrochage ne put se faire qu’au prix de durs combats.
Pour protéger notre repli et tenir La Ferté Macé qui était au centre de toutes les routes du pays, le peloton de chars Depret et le peloton moto Tunzini furent désignés. Ils devaient garder à eux seuls les issues de la ville et ensuite se porter chacun par un itinéraire sur notre flanc gauche.
Ainsi cette après-midi du 17 juin, commencée sous des ombres épaisses de souffrance, de débâcle et de forces défaillantes, se terminait sur un rayon de foi et d’espoir. […]

[note 1 du site ranes1944.org] Certains Rânais se souviennent d'un canon français positionné dans la rue des Escholiers, près de l'ancien presbytère ou de l'École des Garçons, pointé dans la direction de la rue d'Écouché.

[note 2 d'André Soubiran] Le sous-lieutenant Martin Maugey, déjà cité à l’ordre de l’armée en Luxembourg, captif depuis juin 1940, a reçu à vingt ans la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.

[L’unité  se replie à travers la forêt d’Andaine, traverse Juvigny-sous-Andaine et La Baroche durant la nuit. Le regroupement de la colonne a lieu à Céaucé. Elle se dirige ensuite vers Saint-Fraimbault, fin de l’étape de repli. Le 3ème RAM est fait prisonnier le 18 juin à Saint-Fraimbault. Le véhicule sanitaire de Lieutenant Soubiran réussit à s’échapper et à gagner Nantes.]

André Soubiran, J'étais médecin avec les chars... : journal de guerre.
Première édition: Didier éditeur, Paris, 1943. Prix Renaudot 1943
Extrait du chapitre Normandie - 17 juin 1940

Combats de l'Orne de la 13ème Brigade Légère Motorisée

Rânes/Carrouges/La Ferté-Macé/Saint-Fraimbault en Juin 1940.

[...] Le capitaine de Roys et son escadron, qui a recueilli tous ceux qui, venant de diverses unités, voulaient encore se battre, sont devenus, d'escadron régimentaire de combat, le principal soutien du commandant l'Hotte qui a pris le commandement du 3° RAM depuis la bataille de la Somme, se montrant le chef le plus capable, le héros le plus exemplaire et le plus charismatique de ces journées de la fin de la campagne de France. Ce seront les nouveaux combats de l'Orne, où l'état major de la 13° brigade demande encore de monter une contre-offensive de dégagement, pour soulager la retraite de la X° armée. Elle sera organisée à partir de Rânes, la petite ville ornaise où le RAM s'était replié. Une batterie d'artillerie à deux pièces de 75, venue des vestiges du 72° régiment d'artillerie motorisée du lieutenant Colonel Thomas est transformée en artillerie antichars [voir note 1 ci-dessus]. Elle permet une dernière fois de repousser les forces blindées ennemies qui se présentaient au franchissement de la Rouvre. Et c'est après ces journées de repli, avec le soutien des escadrons de la 13° BLM, la chevauchée en avant : Les derniers side et motocyclistes solos l'effectuent avec leurs seuls mitrailleurs, en direction de Carrouges. C'est la dernière action construite dans la Campagne de France, conçue pour donner les heures de répit que demandait le repli de la X° armée. Dans ce dernier périmètre, le Colonel Lafeuillade a pu rassembler autour de son escadron de commandement de brigade, l'escadron de Roys, tous les débris des unités qui se battent au bout de leurs forces. Autour de la Ferté Maçé, où il a installé son PC, il essaye de diriger les unités, du moins ce qu'il en reste, de celles toujours déterminées à combattre ; il essaye de les consolider sur la ligne Argentan - Alençon ; le 16 juin, la 13° BLM recevra même du général Pétiet, l'ordre de tenter le passage de l'Orne de Sées à Argentan, afin de permettre le décrochage du corps d'armée Dufour, essentiel pour le repli de la X° armée. Mais la manoeuvre du corps d'armée Dufour, souvent gênée par les encombrements des colonnes interminables des réfugiés, est mal exécutée. Elle laisse s'ouvrir une brèche, où le gros des blindés allemands et de leur infanterie motorisée va pouvoir s'engouffrer. C'est la fin. Il n'y a plus ni hommes, ni matériel ni munitions. Le 3° RAM, ses derniers escadrons Pigaud, Weygand, Kaminski et Rouzée, aidés du peloton de chars Maugey, les dernières unités disponibles de la 13° BLM avec l'escadron de Royère et le peloton Madeline, doivent se replier vers Saint-Fraimbault où les Allemands et leurs troupes fraîches, sont parvenus en nombre et en force, pouvant enfin les encercler. Il n'y a aucun espoir de briser de jour ce cercle d'acier pour tenter de retrouver la 13 BLM. Le colonel Lafeuillade et l'escadron de Roys sont à leur tour isolés dans leur PC de la Ferté Maçé. Le commandant l'Hotte, sans ordre, doit alors se résoudre à la reddition, pour sauver le sang des rares rescapés: L'aube du 17 juin se lève dans ce village de Saint-Fraimbault devenu totalement silencieux. Le commandant l'Hotte s'enquiert de l'état de ses soldats, les postant dans des conditions aussi sures que possibles. 17 juin, douze heures trente, le discours radiophonique du Maréchal Pétain s'adresse aux français : "C'est le coeur serré que je vous dis aujourd'hui, qu'il faut cesser le combat… ". [...]

Source : Société des Amis de Saint Ange, biographie du Lieutenant-Colonel René de Roys

L'exode des militaires

M.  Roger Jouvet et M. Marcel Claude sont partis sur les chemins de l'exode. M. Jouvet raconte : "Etant militaire en sursis, c'est-à-dire appartenant à la "classe 40" (né en 1920), j'étais donc trop jeune pour être appelé sous les drapeaux. Mais je devais me mettre à la disposition de la gendarmerie. Les Allemands approchant d'Argentan, j'ai reçu, avec quelques camarades, l'ordre du Capitaine Weygand (fils du Général Maxime Weygand), commandant les troupes françaises retranchées à Rânes, de partir vers le sud pour échapper aux mains des soldats allemands. Nous sommes donc partis, mais avant Fougères, à Le Loroux, à 100 km de Rânes en direction de Rennes, nous nous sommes trouvés en face de divisions allemandes. Nous avons donc décidé de faire demi-tour et de rentrer à Rânes". Par ces faits, nous constatons que les Allemands ont envahi extrêmement vite le territoire français et que les militaires n'ont pas eu le temps de se replier.
Les témoignages confirment qu'il y a eu des militaires à passer ; mais ceux-ci ne disaient rien sur la défaite au nord.
Les appelés à aller se battre à la suite de la déclaration de guerre du 3 septembre 1939 dans leur grande majorité ont été faits prisonniers et ne sont rentrés à Rânes qu'après la guerre en 1945.

Extrait de : Claire Forget, La vie quotidienne durant la deuxième guerre mondiale dans le village de Rânes, 1939-1945. Mémoire de DEUG (Histoire), Université de Caen, 1995. p. 3

Récit de Louis Ravez, prisonnier à Rânes en 1940

LA CAPTIVITE

Le 18 juin 1940, il était 15 heures 30 quand nous avons été faits prisonniers à Antrain (qui se trouve en bas de la presqu'île du Cotentin). De là on nous conduisit à Bazouges-la-Pérouse. Nous étions gardés par les Allemands dans une pâture et il pleuvait des cordes. Le 19 au soir départ pour Saint-Fraimbault-sur-Pisse : arrivée à deux heures du matin. Le 22 arrivée à Alençon au quartier Valazé. Dans cette caserne de cavalerie nous étions environ 20.000 ; la plupart Français et quelques Anglais. Nous couchions à même les pavés, dans les écuries. Comme nourriture, un brouet clair.

CULTIVATEUR DANS L'ORNE

Par la suite, le préfet de l'Orne ayant eu l'autorisation d'avoir des prisonniers pour rentrer les moissons, un certain nombre de prisonniers sont partis. A ce moment j'ai trouvé un lit (une paillasse) dans une chambrée où nous étions une vingtaine de sous-officiers. J'étais le seul d'entre eux à penser que la guerre n'était pas finie. Pourquoi ? Je ne pouvais le dire mais j'en avais la certitude ? Dès l'instant où j'ai été pris par les Allemands, j'ai pensé : Vous m'avez mais vous ne m'aurez pas toujours. Environ un mois après les premiers départs en culture, avec un autre sergent-chef, nous avons demandé à aller en culture. Nous avons été conduis à Rânes dans l'Orne.

Le maire m'a désigné pour aller chez un cultivateur : celui-ci n'avait pas été mobilisé. Il pensait faire une affaire avec un travailleur qu'il n'aurait pas fallu payer. Il n'avait pas demandé un prisonnier par charité ou patriotisme. Il disait : "Ici on mange bien mais on travaille !" C'est là que j'ai passé les plus mauvais moments de ma captivité.
Les foins étaient coupés à la faucheuse. Nous retournions l'herbe pour la sécher au moyen d'une faucille et d'un bâton. On commençait au début du champs, courbé en deux ; et au bout du champ, nous repartions en sens inverse. Faîtes cela toute la journée et vous m'en direz des nouvelles. J'avais les reins cassés. A cause de la pénurie de ficelle, les gerbes étaient attachées avec de la grosse corde à attacher les vaches. Les gerbes étaient très lourdes. Piquer les gerbes à la fourche pour les présenter sur le chariot était très fatiguant. Je gagnais bien ma nourriture.

Quand les foins furent terminés, le cultivateur me fit scier du bois, et par la suite il demanda aux Allemands de me récupérer. Le coiffeur de Rânes [Charles Sérée], un célibataire, à qui je disais que le cultivateur voulait me faire rentrer au camp me dit "va donc chez Léger, il te prendra". En effet cet ancien combattant de 14-18 me prit et avec son fils âgé de 18 ans; je l'aidais dans les travaux : il me considérait comme son fils. Quand j'étais chez lui, ma femme est venue me voir quelques jours et elle a été bien accueillie.
Après les battages, les Allemands ont récupéré les prisonniers. Comme nous allions partir en Allemagne, le cultivateur chez qui ma femme était venue m'a remis un colis dans lequel il y avait une lettre m'annonçant la naissance de Marie Camille, le 3 janvier 1941.

[Le 7 janvier 1941, Louis Ravez est envoyé en Autriche]

travaux à la ferme de M. LégerLouis Ravez - travaux à la ferme de M. Léger probablement à la Haie-Roger à Rânes


travaux à la ferme de M. Léger
Louis Ravez - travaux à la ferme de M. Léger probablement à la Haie-Roger à Rânes
travaux à la ferme de M. Léger
Louis Ravez devant la ferme de M. Léger probablement à la Haie-Roger à Rânes

Source
: Albumverly, site généalogique de Charles-Antoine Verly avec son aimable autorisation. Voir aussi son blog.

Une énigme...Tombes de soldats SS près de RânesTombes de soldats SS près de Rânes, août 1944 (?)

Photo de la collection du 1er Lieutenant Adrian E. Kibler sur le site de la Third Armored Division.
Kibler était du 991st Field Artillery Battalion attaché à la Third Armored Division du 25 juillet au début de septembre 1944. Le Bataillon était équipé essentiellement de pièces d'artillerie de 155 mm M12 autotractées. Kibler était observateur de l'avant chargé de renseigner le Bataillon depuis un avion de reconnaissance.
Note de Kibler : "Sept bons Allemands. Remarquez les "SS" visibles sur les deux tombes les plus proches. Ces tombes étaient bien entretenues par les occupants allemands".
Il s'agit probablement de soldats tués en 1940 et dont les tombes étaient entretenues par les troupes d'occupation. La date du début du conflit (1939) était souvent mentionnée sur ce type de tombes.
Note : Nous ne possèdons aucun témoignage de Rânais concernant ces tombes, et il est possible que la localisation mentionnée par le Lieutenant Kibler soit erronée.