La Libération de Rânes (Orne) en Août 1944  

Témoignages écrits lors de la
Libération de Rânes

    
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Notes de Germaine Peccatte

(12-17 août 1944)

[La famille Peccatte - Léon et Germaine et les deux plus jeunes fils André et Joseph - fuit sa maison du village pour se réfugier dans la ferme familiale du Rouvray, à 3,5 km environ du bourg. Le fils aîné Jean est dans sa propre ferme aux Beauchards. Le quatrième fils Pierre est à Paris.
Notes retranscrites avec l'orthographe de l'original]

Rânes le 12 août. - Evacuer le bourg à 8h du soir ; intenable par l’aviation ; coucher déshabiller.

Dimanche 13 août. - Dès le matin nous partons tous pour le bourg assister à la messe de 8h ½. Ensuite faire des paquets et une remorque de linge que André et Joseph amènent pendant que papa et moi faisons encore des valises et sacs et partons vers 10h sous une mitraille formidable qui nous force à nous coucher au moins 1h dans un fossé. Arrivée au Rouvray à midi. Ayant oublié notre viande nous mangeons donc une tartine de beurre à la porte dehors. Joseph étant partit le dernier le matin et avait oublié la clef du Rouvray dans ses habits de la semaine, il réussit à revenir sans encombre. Nous finissons donc de manger. Nous avions quand même faim depuis la veille au soir nous n’avions rien pris. Après ce maigre repas, André et moi revenons au bourg avec la remorque chercher encore quelques paquets. Nous rentrons au Rouvray vers 5 heures sans que les avions aient cessé de nous survoler en revenant de ce voyage. Je vais voir Mme Descours et tante où je trouve Ghislain venu pour la messe de 11h ½ à laquelle il y avait 4 personnes au commencement et 9 à la fin ; il avait donc dîné chez Mme Descours et me dit que chez Jean tout allait bien et ils n’étaient pas venu au bourg. Le dimanche soir André s’en revient chez Mme Descours où il ne trouve personne que des allemands plein la cour.

Lundi 14 août. – Au matin André est partit voir ce qui se passait. Nous croyions bien notre maison descendue. Eh bien non. André rencontre Bouquerel et sa femme qui lui dit que leur maison brûle ainsi que celle de Mme Guillouard et que l’église a subit de gros dégâts, la chapelle Saint Laurent est tombée. La maison Lantoine, Niepceron, Poisson, Claude, Olivier, Esnaut route de La Ferté brûlent. Le mur qui entoure le château ainsi que les grilles tout tombé ; André n’a pu arriver chez nous par le bourg, il lui a fallu retourner par le bas des plants où il a vu devant le garage à Lizion la place d’une bombe et le garage à Fleuriel portes arrachées et trous dans le mur. Chez nous, carreaux cassé à la mansarde seulement. Il revient en vitesse car les obus lui sifflaient aux oreilles. Le soir il essaie de retourner ; il ne peut aller que chez Ribot un bombardement épouvantable au Bisson sur des gros chars et camions qui le forcère à revenir sur ses pas. Nous nous couchons tout habillé. A minuit 2 allemands nous réveillent pour leur donner à manger et les mettre dans la route de Vieux-Pont direction Argentan.

Mardi 15 août. - Nous nous recouchons jusqu’à 4 heures, heure à laquelle il nous fallut aller dans un abri que nous avions fait par précaution, le canon tirait à plein et les obus siflaient. Nous avions peur. Chez Aulaire y avaient passé toute la nuit. A 6 h nous sortons et revenons vers la maison où je fais le déjeuner et à 8 h je pars pour le bourg. En arrivant au Bisson un bombardement épouvantable sur le bourg avec mitraille m’arrête. Je dois me cacher dans les champs et attendre. André arrive et me dit de revenir. Ce que je fais. Mardi 3h ¼ arrosage épouvantable d’obus passants sur le Rouvray nous force à retourner à l’abri. Retour de l’abri à 6h ½ à ce moment nous arrivent 15 personnes du bourg obligées de fuir le Plessis à cause des tirs : Duboc, Jezekel, Fleuriel, Roulleau, Panloup, nous avons installé des lits de fortune dans la remise et une partie a retourné à l’abri. Nous avons passé une nuit épouvantable. Des tirs de gros canons qui nous sillonnaient et siflaient.

Mercredi 16 août. – Enfin ce matin un peu plus calme ; André, Joseph, Guillouard, Fleuriel sont partis au bourg. Nous attendons leur retour avec impatience vu que les allemands résiste vers le Chêne-Angot. Arrivée de Mme Fleuriel à 1h, les autres revenus avant. Tout le monde joyeux de la voir rentrer nous dinons tous en famille et après-midi pour la 1e fois depuis le désastre. Je me rend au bourg avec Maria Panloup. J’ai le cœur bien gros en voyant le désastre de toutes les habitations. Chez nous les murs sont debout mais tout l’intérieur est tombé et beaucoup de casse ; la toiture presque effondrée, plus aucune porte, pas plus à l’intérieur qu’à l’extérieur. Nous passons par dessus tous les débris pour retrouver les affaires qui sont encore récupérables. Enfin nous revenons chargé d’une brouette, d’une remorque et de musettes. Nous rencontrons des américains tout le long de notre chemin et nous font des sourires. La nuit a été mauvaise.

Jeudi 17 août. – Beaucoup de canon, et le souvenir de mon après-midi me revient continuellement et m’empêche de dormir. Ce matin 17 août, Jezekel, Roulleau, Duboc et Mme, Papa, André, Joseph sont repartis dans nos ruines chercher encore tout ce qui est possible. Guillouard et sa femme sont à chercher des nouvelles de la mère Gayot et Andrée. Hier quand je suis allée j’ai revue avec grand plaisir tante, Mme Descours, les sœurs, mais j’ai eu le cœur bien gros, je n’ai toujours pas de nouvelles de maman. J’espère tout à l’heure que papa et André vont m’en raporter, je leur ai dit d’y aller voir. Jean a été voir hier. Sa maison est debout et pas trop endommagée mais elle était partie et où au bombardement du samedi soir, Denise Chevreuil fut tuée et Ernestine Geret blessée.

[Nous recherchons d'autres témoignages écrits datant de cette époque et concernant les événements intervenus alors à Rânes et dans les environs]